L’essentiel pour voyager

Il n’y a d’homme que celui qui a beaucoup voyagé, qui a changé vingt fois la forme de sa pensée et de sa vie. Alphonse de Lamartine

La vie nomade possède des règles simples, marcher, encore marcher, toujours marcher sous un soleil de plomb, où chaque pas rapproche de la soif. Durant plusieurs jours, les Touaregs et leur caravane de sel se déplacent vers leur destination en essayant de rallier les points d’eau identifiés, sans être sûr d’y découvrir l’or bleu. L’arrivée au puits résonne comme une délivrance. Le delou[1] est à même le sol, prêt à remplir son rôle de porteur d’eau, entraîné par la ronde interminable des chameaux. Dans l’abri construit en sable, terre, pierres et crottes de chameau, chacun retrouve sa théière, ses couvertures, sa menassa[2] ou son mejemar[3]. Personne n’y a touché, chacun respectant le matériel déposé par ses prédécesseurs. Mieux encore, un cornet plastique pend sous les poutres de bois et protège son précieux contenu constitué de thé vert, de menthe et de sucre ; tout pour permettre au prochain visiteur de se préparer un breuvage réconfortant, chaud, doux et amer à la fois, essentiel à la vie, qui sait, à la survie. C’est une des règles sacrées du désert.

 

Dans notre monde occidental, je m’étonne parfois de constater que, malgré les crises et les difficultés, l’homo sapiens présente une amnésie en regard du voyageur qui pourrait passer par là. Chacun semble jouer sa propre carte, quand ce n’est pas des coudes, pour obtenir ce qu’il veut, pour lui et lui seul. La solidarité, le respect, le partage et la portion du voyageur ne seraient-elles pas des valeurs qui se diluent au cœur des temps modernes ?

 

Et si … dès maintenant, j’imaginais voyager avec l’essentiel en me faisant confiance et en offrant mon surplus pour les suivants, l’autre qui pourrait en avoir bien besoin !



[1] Poche de cuir, confectionnée de manière artisanale, pour puiser de l’eau

[2] Sorte d’écuelle en cuivre aux milles utilisations, boire, préparer les galettes, ou encore creuser.

[3] Sorte de foyer mobile en forme de cuvette munie d’un manche, destiné à maintenir les braises en activité.