Main meneuse

« Les hommes se divisent en meneurs et en menés. L’immense majorité se compose de menés. »

Les Incertitudes de l’heure présente, Gustave LE BON

Imaginez-vous perchés sur des dunes dont le sommet culmine à près de 300 mètres, entourés de sable sur plus de 80 000 km². Bienvenue dans le Sahara algérien et son Grand Erg Occidental. Vous ne rêvez pas, vous êtes bien les hôtes d’un décor « extra-ordinaire » où chante les noms de villes comme Laghouat, Ghardaïa, Béchar, El Goléa et les oasis d’Igli, du Gourara. Prenez un bac à sable dont la superficie mesure le double de celle de la Suisse. A peine croyable et pourtant réel.

 

Comme le dit si bien mon ami Pascal, « notre vie ne nous parait jamais plus évidente qu’en dehors de son contexte quotidien, du moins dans son essence et sa profondeur. C’est d’ailleurs le sens du voyage saharien et par extension de tous les « ailleurs ». Se tourner vers ces expériences est non seulement enrichissant, mais souvent salvateur pour nous placer face aux réalismes de la vie, de nos paradoxes et de nos fondements aussi. »

 

C’est bien au cœur du Grand Erg Occidental, lors d’un de mes derniers voyages sahariens, que le pont avant de notre 4 x 4 a décidé de rendre l’âme. Inutile de dire que sans connaissances mécaniques, il est difficile de s’en sortir. Et c’est là que des apprentissages jusqu’alors inimaginables se font dans la sueur. Lorsque j’ai vu démonter l’entier de l’arbre avant, et ses différents constituants, j’ai pris conscience de la présence d’une pièce indispensable. Toutes les autres visiblement pouvaient être enlevées puisqu’elles étaient déjà déposées dans le coffre, mais une devait être impérativement remise, la « main meneuse ». Grâce à elle, les roues continuaient à être guidées, les directions pouvaient à nouveau être prises et notre véhicule capable de se déplacer. Oubliées les quatre roues motrices, mais au moins la chance de rejoindre la première oasis proche de Timimoun. Cette aventure m’a permis de réfléchir au sens de « mener » dans un système. Qui mène quoi et pourquoi ? Souvent une pièce est centrale, c’est autour d’elle que « tout roule ».

 

Et si… dès maintenant, dans ma manière de « mener », je veillais à trier les pièces indispensables des autres. Ainsi je m’assurerais que « tout roule », même lorsque des éléments sont manquants.